Le succès des drones iraniens Shahid/Geran en Ukraine et d’autres drones suicide au Yémen et en Syrie, le rôle joué par les drones turcs Baykar dans des conflits comme ceux du Nagorny KaraBagh ou de Libye sont non seulement en train de modifier en profondeur la nature de la guerre post-moderne mais de réduire les coûts des capacités de lutte asymétrique d’un genre nouveau.
Jusqu’aux années 2020, que Pepe Escobar qualifie des “raging twenties” (les années 20 enragées en référence aux années folles du siècle précédent), l’aviation militaire était le talon d’Achille de la république islamique d’Iran (comme d’ailleurs la Corée du Nord) et ce en dépit d’efforts colossaux afin de maintenir des avions de combat assez anciens datant de l’époque du Shah (F-4, F-5 Tiger II et F-14 Tomcat) ou ceux ayant appartenu à l’armée de l’air irakienne avant 1991 (Mirage, Su-24) et même construire ses propres appareils (l’Antonov AN-140 sous licence de l’Ukraine et l’avion de combat Saeqa entre autres). Pour remédier à ce problème et contourner les coûts astronomiques d’une force aérienne moderne et le manque de pièces détachées, l’Iran a résolument suivi une voie asymétrique en partie inspirée des innovations et des déboires militaires US en Afghanistan et en Irak, deux pays bordant la république islamique investis par des forces US durant de longues années: le drone suicide.
D’un coût modéré, voire très bas par rapport aux drones de reconnaissance et d’attaque US, les drones iraniens se Sony révélés d’une redoutable efficacité sur les théâtres des opérations, au point où ils ont été utilisés comme des expédients à une force balistique, à l’artillerie et même à une chasse aérienne puisque le drone suicide Shahid est l’un des seuls au monde à revendiquer deux victoires aériennes.
En plus des roquettes, des missiles balistiques et de croisière, les flottilles de drones constituent désormais la principale priorité des forces armées iraniennes.
Si le concept du drone est assez ancien puisqu’il est presque aussi vieux que l’aviation moderne, son usage sur le champ de bataille a fait voler en éclats bien des certitudes établies. L’artillerie et les blindés se sont révélés très vulnérables à ces bombes volantes de basse vélocité; et cette vélocité réduite, conjuguée à d’autres facteurs rendent les drones quasiment invisibles à la plupart des systèmes de détection aerienne. Leur coût très peu élevé par rapport aux moyens mis en œuvre pour leur interception et destruction leur procure un rendement maximal pour un investissement presque dérisoire si l’on se réfère aux pratiques corrompues visant le surcoût sans limite des complexes militaro-industriels occidentaux. Ce n’est donc point un hasard si de nombreux pays sont désormais plus focalisés sur l’acquisition de drones bon marché plutôt que d’avions de combat fort onéreux et à l’usage très incertain en cas de conflit.
La stratégie iranienne en matière de drones vise la production de masse de ces vecteurs et leur utilisation en essaims en conjonction avec l’usage massif de la force balistique. L’usage limité de drones comme vecteurs de bombardement visant la neutralisation de l’artillerie, des systèmes antiaériens et des blindés adverses s’est avérée à l’usage d’une surprenante efficacité.
Le drone suicide est un peu l’AK du guérilléro des années 60 et 70 du siècle dernier. Plus c’est simple et plus c’est efficace (le Geran est plus efficace sans GPS qu’avec GPS vu l’intensité du brouillage EM en Ukraine) et pour le moment c’est une arme imparable pour les armées actuelles formatées suivant des doctrines bientôt obsolètes.