L’administration US semble frappée d’un bicéphalisme confirmé puisque elle multiplie des déclarations et prend des décisions contradictoires sur des sujets aussi grave que les guerres d’Afghanistan ou de Syrie ou encore sur la nature des liens unissant les autres pays de l’OTAN à Washington.
La Maison Blanche a évoqué à plusieurs reprises un retrait des forces militaires US d’Afghanistan mais le Pentagone souligne qu’il s’agirait plus d’une réduction des effectifs déployés et que cette réduction des forces US déployées en Afghanistan serait coordonnées avec les autres pays de l’Alliance Atlantique qui participent à la Force d’Assistance et de Sécurité en Afghanistan (ISAF).
L’allusion à la Syrie est assez claire et édifiante à cet effet. Le un retrait militaire US annoncé in impromptu de la vallée de l’Euphrate par Donald Trump en Syrie avait pris de court et le Pentagone et des pays alliés comme la France et la Grande-Bretagnen deux pays engagés plus ou moins publiquement dans des opérations clandestines et semi-clandestines in situ.
L’échec des négociations en cours entre Washington et le mouvement des Talibans Afghans a conduit le patron par intérim du Pentagone, Patrick Shanahan, à faire monter quelque peu les enchères en déclarant publiquement que les États-Unis d’Amérique ne procéderont jamais à une réduction unilatérale des troupes déployées en Afghanistan.
De ce qui précède, il s’avère que les demandes de Washington pour préserver ses intérêts stratégiques en Afghanistan et en Asie centrale n’ont pas reçu un écho favorable des représentants des Talibans, un mouvement de guérilla se battant depuis plus de 18 ans contre l’ensemble des forces de l’OTAN et les forces du gouvernement Afghan pro-US.
Les Talibans exigent le départ de l’ensemble des forces militaires et “paramilitaires” étrangères et refusent obstinément de négocier un ou des accords de siège pour garantir des bases militaires aux Américains comme ce fut le cas en Irak.
Hormis Donald Trump et des experts en stratégie militaire qui ne se font plus aucune illusion sur le sort de la guerre d’Afghanistan, la plus longue de l’histoire américaine et qu’ils considèrent comme un désastre sans précédent, des acteurs influents de l’État profond US croient toujours pouvoir parvenir à une forme de victoire même symbolique en s’appuyant désespérément sur les forces spéciales de l’Armée Nationale Afghane dont le potentiel de combat doit être prêt en 2020.
Une simple lecture des pertes militaires afghanes, anormalement élevées en dépit de l’assistance internationale et non des moindres puisque des unités afghanes en difficultés reçoivent fréquemment l’aide directe des 82ème et 101ème Divisions aéroportées US ou encore d’un soutien aérien tactique (CAS) massif.
Cette assistance n’a pas pu empêcher les Talibans de prendre d’assaut et de capturer momentanément des capitales provinciales ou d’infliger aux forces régulières afghanes de très lourdes pertes en hommes et en matériel.
Officiellement, 17 000 militaires US sont déployés en Afghanistan. Un éventuel retrait partiel US concernerait un peu plus de 8000 militaires. Cependant, les Talibans ont demandé aux négociateurs US à Doha d’annoncer au monde le chiffre réel des effectifs US en Afghanistan.
Ce qui fut opposé par une fin de non recevoir du côté US. Face à ce refus, l’un des négociateurs Talibans a demandé à ses interlocuteurs US si les 60 000 mercenaires internationaux venus des quatre coins du monde étaient concernés par la réduction des effectifs militaires de Washington et constatant l’absence d’une réponse claire à ce sujet de la part de la délégation US, il finit par quitter la table des pourparlers en affirmant que la guerre continue.
Les milieux bellicistes au sein de l’État profond US croient fur comme fer que les États-Unis ne peuvent suivre l’exemple de l’ex-Union Soviétique en Afghanistan en raison de l’exceptionnalisme historique et messianique US.
Cela signifie que la posture stratégique de la première puissance militaire mondiale est basée, en ce qui concerne l’Afghanistan, sur une chimère idéologique n’ayant aucun lien avec les données réelles.
La guerre en Afghanistan est financée par de l’argent emprunté et la planche à billets.
Les estimations les plus optimistes concernant les coûts de ce conflit varie de 2.7 à 5.8 trillions de dollars US sans prendre en compte les centaines de milliards de dollars US perdus dans les méandres de la corruption du complexe militaro-industriel US, ses lobbyistes et réseaux d’influences, de ceux du gouvernement Afghan et de sa clientèle ou encore de ceux de pays voisins impliqués d’une façon ou une autre en Afghanistan.
Autant dire que cette guerre entamée en octobre 2001 peu de jours après ce que les médias dominants désignent comme les attentats du 11 septembre 2001 de New York et Washington, s’est transformé en un véritable tonneau des danaïdes pour les finances publiques US et un casse-tête stratégique caractérisé par l’impossibilité de continuer cette aventure suicidaire mais également l’impossibilité de se retirer sans un préjudice majeur à l’image et la puissance perçue des États-Unis dans le monde.
C’est ce que l’on appelle le cycle infernal.
D’un point de vue purement stratégique, la présence militaire US en Afghanistan est utile pour surveiller le ventre mou oriental de l’Iran et garder un œil sur le Xinjiang chinois où la question Ouighoure est un domaine favorable aux opérations clandestines de guerre psychologique menée par Washington et son allié turc.
L’Afghanistan permet également aux Américains d’avoir un pied sur la “ligne Durand” et surveiller le Pakistan, un pays pivot qui détient l’un des arsenaux nucléaires les plus prolifiques au monde.
Enfin, les frontières septentrionales de l’Afghanistan permettent à Washington d’observer l’ensemble de l’Asie centrale musulmane sur le flanc méridional de la Russie.
Tous ces éléments nous permettent d’affirmer sans l’ombre d’un doute que Washington ne se retirera pas d’Afghanistan mais cherche plutôt à parvenir à un accord acceptable garantissant l’octroi de facilités militaires en échange de la participation des Talibans au pouvoir à Kaboul.
Dans ce dernier cas, il est peu probable que le gouvernement afghan dans sa structure actuelle puisse contenir politiquement ou militairement le mouvement des Talibans. Ce qui signifie une prise du pouvoir de ces derniers.
La présence US/OTAN en Afghanistan coûte donc trop chère et semble impossible dans un système économique normal. D’où l’adoption de systèmes de financement occultes, illégaux et non traditionnels lesquels ont toutefois échoué à couvrir les frais de la guerre.
Après 18 ans de guerre, la guérilla talibane est plus forte que jamais et ne semble aucunement disposée à céder aux pressions d’autres puissances musulmanes tentant d’obtenir de ce mouvement des concessions aux demandes US.
L’ex-Union Soviétique fit preuve de réalisme et de rationalité en décidant d’un retrait ordonné d’Afghanistan. Celui-ci s’étala entre mai 1988 et février 1989 après presque dix années de guerre.
Les États-Unis d’Amérique refusent, au mépris de toute rationalité, de suivre la même voie que les Soviétiques pour des raisons psychologiques évidentes liées à et à un certain sentiment de supériorité minant les élites politiques de Washington.
Les Talibans, quant à eux, ont le temps pour eux.
L’Afghanistan est considéré comme le cimetière des empires. Les idéologues de Washington avaient cru s’affranchir du déterminisme historique et de certaines constantes historiques. Ils se retrouvent piégés dans une boucle sans fin.
C’est un piège fatal.
7 thoughts on “Afghanistan: Washington ne réduira pas ses forces de façon unilatérale ou la fermeture du piège Afghan”
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Ça alors, ils sont devenus bi-céphales en plus d’avoir des langue bi-fides fourchues?
Ce n’est pas pour rien que les dirigeants ricains veulent mettre la main sur le petrole de Maduro pour financer leurs lugubres desseins. Si les attaques des ricains viennent de Colombie ou du Colombie, le Venezuela a le droit de se défendre et d’attaquer tous pays qui l’attaquent. Si Maduro gagne la bataille, de facto, il doit annexer le ou les pays vaincus.
Le préjudice majeur à l’image des USA, c’est surtout l’image de l’état profond d’Amérique et des pays de l’Otan qui en prend un coup, mais l’image n’est pas la réalité, et la réalité c’est que depuis 2 ans, Trump et sa façon “bicéphale” de conduire les affaires de son administration à redonner espoir au Peuple Américain, et ça ce n’est pas qu’une image.
Excellent article!
Merci Strategika51
Désireux de traverser une rivière, un scorpion demanda à une tortue : » Prends-moi sur ton dos pour m’aider à traverser et rejoindre mes frères. – Que je te prenne sur mon dos, tu n’y penses pas. Tu es bien trop dangereux ! – Ne sois pas bête, je veux traverser, pas me noyer. » Après de longues palabres, la tortue se rendit compte que le scorpion voulait vraiment rejoindre ses comparses. Elle le chargea sur son dos et entama la traversée. Parvenue au milieu de la rivière, le scorpion tenta de piquer la tortue sans parvenir à traverser la carapace. Et la tortue de s’écrier : » Que diable cherches-tu à percer ? – Probablement le fond de ma nature. – Eh bien ! Je vais te révéler le fond de la mienne, lui cria la tortue avant de s’enfoncer dans les profondeurs. «
Cher(e)s Vous,
Un petit film pour vous détendre qui montre les coulisses du système : La guerre selon Charlie Wilson
Bien à Vous,
Marc Edmond
” Les idéologues de Washington … se retrouvent piégés dans une boucle sans fin. ”
pour ma part je considère que les militaires US ont déjà fait un grand chemin en acceptant de rencontrer et de négocier avec les Talibans .
ils pensait sans doute qu’ils obtiendraient a la table des négociations ce qu’ils ne pouvaient pas obtenir sur le terrain .
pour les militaires US rien que le fait d’accepter l’idée qu’ils ne pouvaient pas obtenir quelque chose par la force a du être un crève cœur !
le départ d’un des négociateurs Talibans de la la table des pourparlers en affirmant que la guerre continue, signifie que l’objectif des Talibans pourrait se concentrer sur les forces internationales en général et US en particulier dans le but de faire pression sur les négociateurs US pour qu’ils cède au demandes des négociateurs Talibans qui sont restés a la la table des pourparlers !
grosses attaques en perspective !